Haro sur la corruption !

Comme partout dans le monde, dès que l’on parle de corruption, les regards se portent vers la police. En Tunisie, celle-ci est perçue comme le secteur le plus corrompu du pays suivi de près par la douane avec les résultats suivants 71,9% et 57,2%.
Scandales en tout genre, corruption à tous les niveaux, les listes des exactions n’en finissent plus d’en finir et chaque Tunisien a des centaines d’incidents et d’aveux à faire et à raconter. Sauf que pour corrompre, il y a des corrompus mais autant de corrupteurs et de corruptibles…

Dans le monde, au moins une personne sur quatre a fait « une petite corruption » selon le rapport International Transparancy de 2010.Les touristes qui venaient en Tunisie autant que les résidents étrangers en Tunisie ont-ils aussi souffert de la corruption ? Oui et ils continuent d’en souffrir.
MD est français et vit en Tunisie depuis 3 ans. Il témoigne : « Cette année, je m’attendais à un changement. Il n’en est rien et j’ai payé le même tribut. Rien n’a changé à la douane ni à la police ni ailleurs… du moins pas encore ! » Depuis des années, tous connaissent le prix pour éviter une contravention, faire entrer un « container », éviter des prises de bec avec la loi, faciliter les démarches…

Les guides de voyages internationaux appellent cela « légèrement » le « bakchiche » sauf que le fléau a cruellement gangréné le tourisme en Tunisie. Il a influencé la perception générale de la destination et plombé son rayonnement. Il a contribué à miner le comportement des voyageurs qui étaient prévenus en amont d’éviter les soucis. Sauf que le souci était, entre autres, louer une voiture, sortir des sentiers battus, se mêler aux populations…

Au niveau des investissements dans l’industrie touristique, les lois de la corruption et de sa mafia bloquaient les initiatives. Le système en place contrôlait jusque les autorisations d’alcools, faisait l’impasse sur le marché de l’évènementiel, multipliait les obstacles devant les chaines internationales par des passe-droit qui faisaient de la Tunisie un pays où il ne faisait finalement pas bon investir, ni s’amuser.

Selon la convention des Nations Unis  « La corruption est un phénomène social, politique et économique complexe, qui touche tous les pays. Elle sape les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l’instabilité gouvernementale. La corruption s’attaque aux fondements des institutions démocratiques en faussant les élections, en corrompant l’État de droit et en créant des appareils bureaucratiques dont l’unique fonction réside dans la sollicitation de pots-de-vin. Elle ralentit considérablement le développement économique en décourageant les investissements directs à l’étranger et en plaçant les petites entreprises dans l’impossibilité de surmonter les « coûts initiaux » liés à la corruption ». La Tunisie l’a testée. Elle s’en est retrouvée dirigée par une mafia qui a plombé son économie autant que son modèle sociétale.

Aujourd’hui, la société tunisienne a beaucoup perdu de ses repères. Pour rétablir la situation, le chemin sera long et ardu. La Tunisie met en place une politique de lutte contre la corruption. A chacun d’aller chercher ce qu’en pensent les nombreux partis politiques. Qui place la lutte contre la corruption au centre de son programme ? Quels sont les moyens préconisés pour rétablir la tendance ?

On a beau décréter des lois, il faut surtout les faire respecter. Or, pour le faire, il y a fortement besoin d’un exécutif fort et d’un ordre « propre ». « Propre » étant le mot qui depuis le 14 Janvier revient dans tous les discours. Tous, sans exception. Médias, institutions, gouvernement politiques… tous se l’arrachent si fort qu’ils l’ont sali.

Pour le moment, le plus grand des défis est de trouver comment arriver à reconstruire un pays lorsque toutes les limites semblent atteintes et qu’il semble désormais dépourvu d’un ciment essentiel; la confiance ? Comment la rétablir ? Tous les espoirs sont tournés vers le 23 Octobre, date d’une nouvelle page à écrire pour la Tunisie et qui permettra à un gouvernement plus légitime d’ordonner, rebâtir et éduquer.

Rester vigilant et prudent sera de mise. Selon cette même enquête, le gouvernement provisoire arrive au top 5 des secteurs les plus pourris avec 56,8%. Comment a t-il fait pour jouir d’une si mauvaise réputation en si peu de temps ? A-t-il seulement hérité d’une machine corrompue ou remis en marge les « process » de la corruption en ne s’y opposant pas farouchement aux différents niveaux de l’état ? N’est-ce pas l’absence de transparence qui débouche vers ce résultat ?

Avait-il le temps et la latitude de faire mieux ? Quelle était la vraie marge de manœuvre de ce gouvernement de transition ? Pourquoi le Tunisien n’est pas parvenu à faire la différence entre les bras corrompus d’un état désappointé et un gouvernement de transition supposé répondre aux attentes de la révolution ? Autant de questions qui taraudent l’esprit des Tunisiens mais aussi des résidents étrangers qui vivent ici et souhaitent s’y investir.

En principe, il existe une limite que l’on ne peut franchir et celle-ci a bel et bien été franchie en Tunisie. Comment créer de nouvelles règles et les faire respecter dans un pays où les principes moraux et les lois sont piétinés sans fin? Changer de mode de pensée est une rude affaire. Il est facile de décréter des lois. Construire une morale est encore plus difficile.

Amel Djait

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