Premier dimanche à la plage : La mer est elle assez grande pour tous ?

Y a-t-il plus ou moins de circulation que l’année dernière et celle d’avant. ? Tout autant. Il manque seulement les Algériens avec leurs vitres ouvertes écoutant du Rai à tue tête. Ils nous manquent vraiment cette année…

12h30. Arrivée à Hammamet nord. Difficile de trouver une place pour garer la voiture. Le parking est bondé, les gardiens débordés et les conducteurs assurément plus indisciplinés. On se gare où on veut et n’importe comment.

13h00. Installation sous une magnifique paillotte. Mer légèrement agité. Eau pas très limpide.

Au vu des derniers incidents et des trop nombreuses rumeurs quand aux agressions contre des baigneurs, des femmes, ou des touristes, on ne peut s’empêcher de penser : Qu’est ce qui a changé depuis la révolution? Va-t-on à la plage de la même manière qu’avant le 14 janvier ? A-t-on peur ? Porte t-on moins de bikinis ou y a-t-il plus de « burkinis » et de femmes voilées ? Comment se passe la cohabitation ? La mer est elle assez grande pour tous ?

Un aller et retour sur la plage s’impose. Petit paréo autour de la taille, mon papa au bras et mon jeune frère avec son épouse et nous voilà partis pour une petite marche au bord de l’eau. Qu’est ce qui a changé ? Juste la pagaille. Elle est plus voyante. Plus imposante. Pour le reste ? C’est à peu près pareil. Plus de femmes voilées ? Pas forcément… Je n’ai pas compté ! M’a-t-on plus ou plus mal regardé ? Pas vraiment !
Ce qui est flagrant, c’est l’anarchie. Un énorme désordre qui en dit long sur l’état d’esprit qui anime la population. Désarçonnée, celle ci ne sait plus où aller, quoi faire, comment se comporter, qui et quoi respecter.

Sur la plage, on joue au « Beach Ball » au risque de blesser, on jette des détritus au risque de faire glisser , on s’installe n’importe où au risque de faire fuir les quelques rares touristes, on nage au risque de couler, on allume un feu au risque de tout bruler…Pas de sécurité, pas de protection civile, pas de maitre nageurs, pas poubelles, pas d’aménagements, pas de toilettes, pas de délimitation, pas de plages publique ou privées…Juste un énorme et  gigantesque désordre.

Soudain, une musique assourdissante m’interpelle. Un « mezoued » pur et dure  avec une sonorisation défectueuse, un chanteur nasillais dans un BBq de mauvais goût plein à craquer. Dans le restaurant, la fête bat son plein. Ca boit, fume, danse, chante et les boissons coulent à flots. Je calcule rapidement . Y’ a t-il plus ou moins de femmes voilées au restaurant ? Pas forcément. Je n’ai pas compté !
Ca dansait partout sur les tables, entre les tables, sur l’estrade, à côté de l’estrade, sur le sable, assis dans les chaises…Sous les parasols , les « niqabeés », les voilées et les non-voilées, les barbus et non barbus faisaient une sieste bien langoureuse quand ils et elles n’étaient pas à la fête.  
Je n’ai pas compté les cadavres des bières ni les mégots des cigarettes. Je n’ai pas compté non plus le nombre des enfants qui piaillaient, les gens plus ou moins heureux qui passaient un bon dimanche à la plage. Tout le monde profitait de son dimanche au soleil. Quelques chose a changé. C’est certain. Une chose n’a pas changé , la plage, la mer, le dimanche, l’été à Hamammet sont assez vastes pour accueillir tout ce beau monde. La Tunisie est assez grande et généreuse pour laisser vivre chacun à son rythme et selon ses choix.

Ce dimanche, pas de trace de violences, d’incidents, d’insultes, de peurs, d’exclusions, …Il est 19h25. La mer est de plus en plus belle. La plage se vide et la température baisse. Des amis nagent à Kelibia, Maamoura, Hammam Ghuezzez, Djerba, Sounine, Mahdia, … Les tunisiens vivent une période importante dans leur vie de tous les jours. Elle sera cruciale pour leur avenir.

Les extrémismes sont là. Pour ceux qui ne la comprennent pas, la Tunisie est un paradoxe. Sa classe moyenne et le statut des femmes sont un modèle de modernité qui lui est propre. Cela nous octroi une façon de vivre qui nous ai spécifique. Que ceux qui veulent nous faire peur le sachent, ils n’y arriveront pas. S’il y’a une chose qui est tombé avec Ben Ali, c’est bien la peur. Nous n’avons pas vaincu une peur pour la remplacer par une autre.

L’idéologie salafiste n’a pas d’assise sociale en Tunisie. Les acquis de notre pays ont été avilis par le verrouillage des libertés. La vague de religiosité est aussi une réalité avec la quelle il faut composer. Les excès témoignent d’un profond malaise social. Les années d’humiliation  ont un coût. En attendant les prochaines élections, cet été 2011 est un premier test à notre faculté de vivre ensemble.
En attendant et bien loin de l’agitation de la politique et des partis, je ne sais plus combien prennent l’eau. Je n’ai pas compté !

Amel Djait

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