La Tunisie : menace sur le pays ?

Il était important de sonder pour essayer de comprendre les réalités en cette période si délicate.

A tous ceux qui crient comme des corbeaux que la Tunisie va au plus mal, comment pourrait elle seulement aller plus mal ?

Nous revenons de loin et cela beaucoup ont tendance à l’oublier. A tous ceux qui jouent les oiseaux de mauvais augure prétendant que le pays s’est radicalement islamisé, je ris au nez. Pas mon pays. Pas ce pays qui a enfanté les Cheikh Djait, Ben Achour, Tahar Haddad, Bourguiba, Aziza Othmana,…Pas ce pays qui a donné Saint Augustin, Hannibal, Ibn Khaldoun, Elyssa… Pas cette terre qui a porté Carthage et Kairouan…Pas cette Tunisie que nous avons en nous. Un pays de tolérance et d’ouverture.

Au début, j’avais beaucoup de retenue à demander aux gens ce qu’ils pensaient des nombreux  partis politiques. Bien entendu, je ne pensais en particulier qu’à l’un d’entre eux. Celui qui dérange et indispose, inquiète et suscite les craintes. …Toutes les femmes voilées vont-elles voter pour « Enahdha » ? Toutes les personnes qui me paraissaient extrêmement pieuses avec des marques extérieures très visibles comme la barbe ou les tâches sur le front sont-elles convaincues du discours du Cheikh Rached Gannouchi et de ses semblables ?

Un cardiologue aussi inquiet qu’un bon nombre de nos concitoyens me dit «Vous pensez qu’ils vont passer ? Je parle avec les femmes au moins 5 minutes à la fin de chaque consultation et vous savez quoi ? 8 sur 10 me disent qu’elles ne voteront pas pour ce parti !»

Une Italienne vivant en Tunisie depuis plus de 10 ans me dit : «Je crois que je dois partir. Il ne fait pas bon se promener en ville. Certains me regardent bizarrement !» Pourtant, elle reste. Même pendant les événements les plus violents, elle est restée. Ici, c’est chez elle.

D’ailleurs je l’au rencontré à une des soirées endiablées de Hammamet où l’alcool coulait à flots et que tout le monde faisait la fête. Cette soirée là comme beaucoup d’autres événements auraient été tout simplement interdits dans d’autres pays.

Mon été 2011 ressemble à mes autres étés. Même plages, vêtements et sorties et amis. Même personnes et encore plus dans la ville et en bord de plage. Si ce n’est que je vois l’anarchie s’installer, les villes se défigurer, la liberté incomprise, les gens ne pas se mobiliser…Quoi de plus normal après ces années de disette ? Il faut tout reprendre et inculquer les valeurs du travail, de la responsabilité, du savoir-faire et du bien vivre ensemble.

Et justement, la question au cœur des interrogations de bien des tunisiens est celle de savoir si « eux » et « nous » pourrions vivre ensemble ? Mais qui eux ? Qui nous ? « Enahdha » dans sa version 2011 est-elle digne de confiance quand elle ne remet pas, pour le moment, en cause des acquis dont nous ne sommes pas si peu fiers ? Ce parti en scindant les tunisiens et tunisiennes en bons et mauvais musulmans peut –il garantir que l’on vive tous ensemble dans le respect et la démocratie…

Au fil des jours, ma gène disparait. Je passe des heures entières à parler avec tous ceux que je rencontre. Mes semblables sont ouverts, tolérants, ne s’imaginent pas vivre dans un pays qui ressemblerait à autre chose qu’à leur Tunisie en mieux. Jeunes et moins jeunes, pratiquants ou pas, politisés ou pas, travailleurs ou pas… Tous ne s’imaginent pas vivre dans une autre Tunisie que celle pour laquelle ils se sont battus ou manifestés. Ils ne toléreraient pas de revivre sous la peur ni sous le silence à nouveau.

Bien entendu, il ne s’agit ni de statistiques ni de résultats de sondage. Je suis dans l’appréciation et mon sentiment est que tous ceux qui veulent faire croire que le pays s’est couvert d’un islam venu d’un autre temps restent marginaux. Ceux qui veulent faire croire que les islamistes sont majoritaires en Tunisie se trompent. Les islamistes sont les plus visibles sur la scène politique à cause de la diversité et de l’éparpillement des autres courants politiques. Ils sont aussi incontestablement organisés, motivés et travailleurs.

Par contre, plus les jours défilent et plus je suis confiante. Le Tunisien est cultivé, ouvert et tolérant. Ces idées rétrogrades même parfumées avec des encens venus d’ailleurs sont incompatibles avec notre mentalité. Ce besoin de « nettoyage » que peuvent ressentir une frange de la population passerait par ce parti dans leur perception. Sauf que pour nourrir un peuple dont les attentes sont énormes il faut bien plus. Des « plus » qu’il ne présente pas.

Pour le moment, les discours ne semblent pas convaincre les différentes composantes de la société tunisienne. Le faible taux d’inscriptions aux élections en est un des principaux révélateurs. La date limite e été reportée au 14 Aout. Alors que ramadhan s’installe, nous voilà partis pour un mois de prêche et de générosité mais aussi de migraines, de dépenses exagérées, de parties de cartes et d’overdose de télévision.

En ce moment, dans certaines mosquées, on commence à prêcher et à prier pour une Tunisie avec un « vrai » islam. Comme si celui que l’on pratiquait n’en était pas un. Cela fait déjà grincer des dents. Les surprises ne viennent pas toujours de là où on les attend.

Amel Djait

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