Hamadi Jebali au concert de Björk pendant que les artistes tunisiens sont menacés

Si le tord est à moitié redressé, puisque l’huissier notaire à l’origine de la polémique a été arrêté, il n’en reste pas moins vrai que la présence au concert du chef du gouvernement autant que la bavure de ce dernier dans sa gestion de l’affaire «El Abdeliya» prennent plus d’un sens.

Depuis l’affaire «Nessma» et la polémique liée à la diffusion de « Persépolis », en passant par les incidents lors de la célébration de la fête du théâtre ou les nombreuses attaques contre les artistes, la Tunisie renvoie l’image d’un pays où il ne fait pas bon être artiste.

La presse internationale présente désormais la Tunisie comme l’un des pays les plus « anti liberté d’expression artistique » qui soit. Qui est conscient de cette image et du temps et de l’argent qu’il faudra pour corriger le tir qui nuit au pays, à la culture et au tourisme?

Alors que le Maroc se permet de communiquer positivement avec le chef de notre gouvernement, notre pays fait peur. Les artistes tunisiens annoncent le boycott des festivals d’été pour dénoncer les menaces qui pèsent sur eux. Ils ne comprennent pas la passivité d’un ministère de tutelle qui se contente de dénoncer mollement les débordements et les agressions qu’ils subissent.

Les présidents de la Constituante, du Gouvernement et de la République publient un communiqué et jouent un jeu malsain livrant en pâture les artistes sur la base d’une campagne de désinformation, puisqu’il s’avère qu’aucune toile n’a porté atteinte au sacré, objet de la manipulation.  L’affaire a pris de telles proportions qu’aujourd’hui des leaders de l’opposition demandent aux 3 présidents de s’excuser pour avoir légitimé les violences qui ont été perpétrées.

Pour en revenir au Maroc, celui-ci réalise un coup de maître en termes de communication en utilisant intelligemment la présence du chef du gouvernement d’un pays qui a fait sa révolution, la Tunisie. Hamadi Jebali dont l’image est entaché au vu de la prestation générale de son gouvernement est souvent présenté aux abois. Lors de sa présence au concert de Björk, c’est une tout autre image qu’il renvoyait, celle de quelqu’un de détendu et d’hyper branché. Un chef de gouvernement islamiste dont le pays « casse » les artistes en train d’écouter une des artistes les plus talentueuses et déjantées qui soit, c’est une première! Sauf que c’est une première mis au profit du Maroc ami et concurrent !

Le message du Maroc est alors, par opposition, celui d’un pays ouvert à l’art et dont l’islamisme est tolérant et ouvert. Un pays qui a choisi de faire autrement sa révolution. C’est aussi et surtout une destination touristique sereine où il fait bon séjourner. Un pays qui sait détendre, proposer, divertir… Le Maroc exporte ainsi au monde sa vision pacifique alors que la Tunisie donne encore l’image d’un pays belliqueux qui peine à trouver sa voie tellement sa communication, entre autres, est défaillante.

En espérant voir nos gouvernants prendre enfin conscience de l’image catastrophique qu’ils renvoient d’eux-mêmes et de leur pays comme, entre autres exemples, quand un ministre des Affaires étrangères ne se lève pas devant un président de la République en présence d’étrangers…

Serait-il possible de voir Hamadi Jebali ou Rached Ghannouchi au concert cet été ? Et pourquoi pas ? En attendant de voir le premier au concert de Najoua Karam et Ragheb Alama et le second à la soirée de Jamel Debbouza durant le Festival international de Carthage, ce qui reste sure, pour le moment, c’est que les festivals tunisiens sont encore bien loin d’être en mesure de recevoir des invités de la trempe de Björk !

Björk à un Festival des musiques sacrées en terre arabo-musulmanne, il fallait le faire ! Tous les hauts dignitaires du pouvoir marocain et leurs invités au premier rang, il fallait aussi le faire! Rassurez vous, ils n’ont pas tenus longtemps. Pour connaitre la suite de la soirée « Le Monde des religions »  écrit: « réservés à une énigmatique délégation officielle de hauts dirigeants politiques, le premier rand se vide d’un coup. Tout au long du concert, un discret mais incessant mouvement vers la sortie de Bab al Malkina. (…) Lorsque le spectacle touche à sa fin, Björk demande au public de se rapprocher pour occuper les fauteuils du devant … « 

Hamadi Jebali au concet de Björk, il fallait y penser. Mais Hamadi Jebali l’a fait !

Amel Djait

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